Le miroir de la chambre 7

Le miroir de la chambre 7

L’hôtel des Pins Rouges se dressait à la sortie d’une route déserte, entre deux falaises noyées de brouillard.

Un vieil établissement abandonné depuis plus de trente ans, jusqu’à ce qu’un jeune couple, Élodie et Marc, décident d’y passer la nuit pour « l’expérience » — un défi TikTok lancé par leurs abonnés : dormir dans la chambre 7, celle dont personne n’osait parler.

Le concierge, un homme au regard fatigué, leur tendit la clé sans un mot.

— Vous trouverez un miroir au-dessus du lit, dit-il simplement. Ne le regardez pas trop longtemps.

Ils courent à une blague.

La chambre 7 empestait la poussière, la rouille et la cire éteinte. Sur le mur, le miroir était énorme, ancien, craquelé par endroits. Le cadre, noirci, semblait suinter.

Ils installèrent leur trépied, préparèrent leurs téléphones, et commencèrent à filmer.

Minute.

Le live démarra.

Des milliers de spectateurs en ligne, impatients.

— Alors voilà, dit Marc en plaisantant. On est dans la fameuse chambre maudite. Et si un fantôme veut se manifester… on t’attend !

Silence.

Puis, le miroir vibra.

Pas un tremblement de la pièce. Juste lui.

L’image reflétée bougeait… légèrement en décalé.

Élodie fronça les sourcils.

— Regarde…

Dans le miroir, Marc ne la regardait pas. Il souriait. Mais dans la vraie pièce, non.

Elle recula, le cœur battant.

— C’est quoi ce truc ?

Marc se tourne vers elle, mais dans le miroir, son double se tient derrière elle.

Il leva lentement la main et touche son épaule.

Elle envoie le contact glacé.

Le live explose de commentaires. Les gens pensaient à un effet spécial.

Mais le téléphone filmait toujours : on y voyait clairement deux Marc.

L’un vivant. L’autre… figé dans le miroir, le visage tordu, les yeux sans pupilles.

Élodie voulait sortir, mais la poignée tourna dans le vide.

Le miroir vibra plus fort, le verre ondulait comme une eau noire.

Puis une main en sortit.

Pas une illusion.

Une vraie principale, pâle, couverte de veines bleues. Elle attrapa Marc et le tira à l’intérieur d’un coup sec.

Il hurla.

Puis plus rien.

Le miroir retrouva son calme.

Dans la chambre, seule Élodie respirait, paniquée.

Et dans le reflet, Marc était toujours là — de l’autre côté.

Mais son visage n’était plus le même. Il souriait, la peau craquelée, les yeux vides.

Trois jours plus tard, la police entre dans la chambre 7.

Aucune trace de lutte.

Seulement un téléphone posé sur le lit, live encore en cours, batterie presque vide.

Sur l’écran : un tchat saturé de messages horrifiés.

Et dans le miroir, un détail étrange :

deux silhouettes, debout, main dans la main, fixaient l’objectif.

Puis, juste avant que le live ne s’éteigne, une phrase est apparue sur le mur, écrite à la cendre :

“Le miroir a faim

Depuis, la chambre 7 est murée.

Mais parfois, les voyageurs racontent qu’en passant devant l’hôtel, la nuit, ils aperçoivent dans une fenêtre allumée deux ombres figées, les yeux blancs, observant la route.

Et si tu t’arrêtes trop longtemps… ton reflet pourrait bien rester là, même après ton départ.